TERESA !

JOHAN Muhammad Rio

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D’après la nouvelle d’Italo Calvino,

« L’homme qui criait Teresa »

TITRE : Teresa !

DURÉE : ± 10 minutes

GENRE : Comédie absurde

PITCH :

Dans une cour, un jeune homme se met à crier « Teresa ! » vers la fenêtre d’un des immeubles. Petit à petit une foule se forme qui crie en cœur « Teresa ! ». Lorsqu’une professeure de musique apparait et conduit leurs cris en chant choral, jusqu’à ce que quelqu’un se demande si Teresa est bien là.

EXT. AU MILIEU D’UNE COUR D’IMMEUBLES

Un jeune homme espiègle (22 – 25 ans) marche, puis s’arrête devant un immeuble. Il regarde autour de lui pendant quelques secondes avec vigilance, puis il lève les yeux vers les fenêtres du bâtiment en face de lui et met ses mains devant sa bouche, formant un mégaphone.

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

(En criant)

Teresa !

Teresa !

Teresa !

Un homme passe derrière le jeune homme espiègle, lui jetant un regard, sans arrêter.

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

Teresa !

Teresa !

Une mamie gentille et amicale (60 – 70 ans) apparaît, observe curieusement le jeune homme, puis s’approche de lui.

LA MAMIE :

Jeune homme, écoute, si tu ne cries pas fort, elle ne t’entendra pas. On l’appelle ensemble, d’accord ? Je compte jusqu’à trois.

Un … deux … trois …

LES DEUX ENSEMBLE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Un groupe de trois jeunes apparaît (environ 16 à 19 ans), s’arrête près des deux crieurs et examine le bâtiment contre lequel ils crient, avant que l’un de trois finisse par dire …

L’UN DE TROIS JEUNES :

(Aux deux crieurs)

Allez, on vous aide.

Au même moment, deux jeunes tourtereaux (environ 25 ans) apparaissent dans un coin et commencent à se câliner, puis à s’embrasser avec passion.

LE PETIT GROUPE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Une jeune femme athlétique (environ 27 – 32 ans) arrive en courant derrière le groupe en jetant un bref coup d’œil …

LE PETIT GROUPE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

D’autres personnes apparaissent dans la scène – une femme avec une belle robe, une jeune athlète (il est revenu et fait quelques exercices corporels avant de se joindre aux cris), un prêtre d’âge moyen, une femme tirant son caddy, deux fashionistas avec des lunettes de soleil stylées et extravagantes, etc …

Chacun est attiré à sa manière par la présence de cette petite foule, certains sont plus hésitants, d’autres plus enjoués, mais tous crient en cœur.

LA PETITE FOULE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Presque au même moment, d’un autre côté de la scène, une femme d’affaire (35 – 40 ans), en costume avec sa mallette, arrive et s’approche :

LA FEMME D’AFFAIRE :

(Pendant que la foule crie « Teresa »)

Quelle fenêtre ?

LA FEMME AVEC UNE BELLE ROBE :

(Pendant que la foule crie)

Deuxième.

L’UN DE TROIS JEUNES :

(Pendant que la foule crie)

Non, c’est la plus haute.

LA JEUNE ATHLÈTE :

(Pendant que la foule crie)

Ah mais personne ne me l’a dit !

J’ai crié en direction du troisième étage !

LA FEMME D’AFFAIRE :

(Pendant que la foule crie)

Ben, maintenant, concentrons-nous sur la fenêtre la plus haute !

Et ainsi la foule d’un même mouvement lève la tête en direction de la fenêtre la plus haute, et crie …

LA PETITE FOULE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

De plus en plus de personnes apparaissent et rejoignent la foule en créant un certain désordre : deux ouvriers du bâtiment en gilet orange (environ 35 ans), leur sandwich à la main (ils crient tout en mangeant), une dame d’âge moyen avec sa cigarette (qui crie nonchalamment en fumant), une jeune femme qui filme la foule avec son téléphone (en criant aussi), deux touristes américains aux forts accents, un homme d’aspect brutal au visage effrayant et colérique, et ainsi de suite.

LA FOULE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

La foule est de plus en plus nombreuse jusqu’à atteindre une trentaine de personnes qui se joignent au chœur tout en criant. Les cris sont désordonnés, et parfois, ici et là, on entend d’autres sons contaminant et polluant les cris : le bruit du sandwich, le bruit des pas des gens qui bougent, le bruit des gens qui parlent, soit en français, soit en anglais, soit dans d’autres langues (par exemple : « On devrait crier comme ça », « J’ai besoin de boire de l’eau, je crie trop », « J’adore les jeux de cris comme ça », « Chut ! On crie maintenant ! », etc).

Un personnage particulier entre en scène, c’est une professeure de musique (30 – 35 ans). Elle se rapproche en observant la foule de loin, puis se pose autoritairement devant elle.

LA PROFESSEURE DE MUSIQUE :

Stop ! Stop ! Stop ! Stop !

La professeure de musique attend que la foule complète se taise puis s’adresse à elle avec toute son autorité.

LA PROFESSEURE DE MUSIQUE :

Écoutez-moi, ce que vous faites est clairement inefficace et … désagréable pour les oreilles : vos voix s’empilent les unes sur les autres, se chevauchent, totalement désorganisées.

Moi, je suis professeure de musique, et je suggère que nous commencions à crier la syllabe « Te » bas et long, et que nous continuions avec le « re » haut et long, et ensuite, nous terminions par un « sa » court et bas.

Emporté par l’autorité de la professeure de musique, qui a l’air de diriger un concert, chacun prend sa tache au sérieux, et tente de crier harmonieusement.

La foule, auparavant désorganisée, s’arrange en lignes et colonnes bien rangées, et ressemble désormais littéralement à une chorale publique organisée.

LA FOULE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Plus ils crient sous la direction de la professeure de musique, plus les cris, comme par magie, semblent se transformer en chant.

LA FOULE :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Alors la caméra se fixe sur la fenêtre du haut, et soudain, tout à coup, une voix vient troubler les cris.

LA VOIX (DU PRÊTRE D’ÂGE MOYEN) :

(En essayant de crier plus fort que la foule)

Attendez ! Attendez ! Attendez !

Les cris de la foule décroissent rapidement jusqu’à s’arrêter totalement. Et puis, la voix, qui vient du prêtre, s’adresse à la personne à sa droite. La caméra repasse de la fenêtre du haut vers la foule.

LE PRÊTRE :

(À la personne à sa droite)

Mais vous êtes sûrs qu’elle est là ?

LA PERSONNE À DROITE DU PRÊTRE :

(Secouant la tête)

Je ne sais pas !

Le prête s’adresse à la personne à sa gauche.

LE PRÊTRE D’ÂGE MOYEN :

Et vous, peut-être que vous savez si elle là ?

LA PERSONNE À GAUCHE DU PRÊTRE :

Pourquoi vous me demandez ça ?

Le prêtre, confus, regarde autour de lui, comme s’il cherchait le responsable des cris. Les autres aussi deviennent confus et commencent à regarder autour d’eux, à se parler, à s’interroger, dans un total brouhaha.

La foule, auparavant ordonnée, est à nouveau désordonnée.

L’un de deux ouvriers du bâtiment avance devant la foule et s’adresse aux gens.

L’UN DE DEUX OUVRIERS DU BÂTIMENT :

(Criant à voix haute)

Mesdames, messieurs ! S’il vous plaît ! S’il vous plaît !

(Baissant d’un ton quand la foule se calme un peu)

Qui a crié le premier ?

Les gens commencent à regarder autour d’eux avec méfiance.

À ce moment, la jeune femme qui filme se rapproche pour filmer de plus près.

LA FEMME D’AFFAIRE :

Ce n’est pas moi.

LA JEUNE ATHLÈTE :

Pas moi non plus.

LA FEMME AVEC UNE BELLE ROBE :

Moi, j’aidais seulement à crier.

UN DES DEUX TOURISTES AMÉRICAINS :

(Avec un fort accent américain)

Est-ce qu’on appelle quelqu’un ?

Je pensais que c’était une sorte de French Festival ?

Pendant cette agitation et cette confusion, le jeune homme espiègle, qui a crié le premier, se déplace lentement et discrètement de sa position initiale vers l’autre côté de la foule, tout en essayant de se cacher.

UN DES DEUX FASHIONISTAS :

Je pensais que c’était une sorte d’caméra caché, je la cherchais tout le temps …

LA FEMME TIRANT SON CADDY :

Moi, je pensais que c’était un spectacle public …

LA FEMME AVEC SA CIGGARETTE :

(Toujours nonchalamment)

Ce n’est pas un chien disparu que l’on appelle dans les buissons … ? Ou un chat … ?

LA JEUNE ATHLÈTE :

Mais non, on appelle bien quelqu’un dans ce bâtiment … n’est-ce pas ?

La mamie s’avance et crie, tout en pointant son doigt, vers le jeune homme espiègle qui est déjà de l’autre côté de la foule.

LA MAMIE :

Jeune homme ! Allô ! Allô ! Oui, toi, lá, jeune homme ! C’est toi, non ?

Tous les regards se tournent vers le jeune homme espiègle, qui s’efforce de garder son calme. Mais, la confusion apparait sur son visage, ses yeux vont de droite à gauche, affichant une peur visible.

LA MAMIE :

C’est toi qui as crié le premier !

Un groupe de trois jeunes se dirige aussi vers le jeune homme espiègle.

L’UN DE TROIS JEUNES :

Oui, c’était toi. C’est lui.

De plus en plus de gens se dirigent vers le jeune homme, l’accusant par leur regard. L’un d’eux est le prêtre et il s’adresse à lui :

LE PRÊTRE D’ÂGE MOYEN :

(Composé et calme)

Et tu es sûr qu’elle est là ?

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

(Confus)

Bah, non.

LE PRÊTRE D‘ÂGE MOYEN :

(Essayant de trouver une explication)

C’est dommage, tu as oublié ta clé, n’est-ce pas ?

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

(Toujours confus)

Mais non, j’ai ma clé.

L’homme en colère se rapproche du jeune homme.

L’HOMME EN COLÈRE :

(En colère, mais essayant de se retenir)

Alors pourquoi tu ne montes pas ?

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

Bah, mais j’habite pas ici. J’habite de l’autre côté de la ville.

L’HOMME EN COLÈRE :

(Commençant à perdre le contrôle)

D’accord, jeune homme, alors excusez ma curiosité, mais qui vit ici ?

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

Je sais pas.

Dans la foule, certains sont exaspérés, d’autres dépités, certains murmurent des injures.

LA MAMIE :

(Le grondant comme en enfant)

Alors, jeune homme, dis-nous, s’il te plaît, pourquoi tu es ici à crier « Teresa » ?

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

En ce qui me concerne, on peut appeler un autre nom ou essayer ailleurs. C’est pas si grave …

L’homme en colère saisit soudain le jeune homme par le col, sur le point de le frapper au visage.

L’HOMME EN COLÈRE :

J’espère que tu ne nous joues pas un tour ?

LE JEUNE HOMME ESPIÈGLE :

(Effrayé)

Quoi ? Non, non, non, monsieur, non, non, bien sûr que non …

La professeure de musique les interrompit rapidement et les sépare, essayant de calmer l’ambiance pour reprendre le contrôle.

LA PROFESSEURE DE MUSIQUE :

Écoutez-moi, pourquoi n’appellerions-nous pas « Teresa » une dernière fois, et puis nous rentrerons chez nous ?

Tout le monde, y compris la professeure de musique, revient à sa position initiale (essayant d’être aussi ordonné qu’avant, mais sans vraiment y parvenir …).

La professeure de musique se remet à diriger la foule.

LA FOULE :

Tereeeesaaaa !

LA PROFESSEURE DE MUSIQUE :

C’est moins bien qu’avant …

(Une pause)

Ah bah, voilà, merci à tous !

La professeure de musique s’en va.

Et aussitôt, la foule se disperse, certains sont déçus, d’autres agacés … sauf un jeune homme innocent (à peine 20 ans), qui décide de rester, même quand tout le monde est parti. Il lève les yeux vers le bâtiment, mélancolique, et se met à crier …

LE JEUNE HOMME INNOCENT :

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

Tereeeesaaaa !

  • FIN -